samedi 28 février 2015

Nos anges gardiens

Cinq anges dansant
Paolo di Giovanni (1399-1482)
Musée de Condé,Chantilly
Alain, Michel, Patrick, Saïd, Alain -qui a un toit aujourd'hui- et Franzy, nouveau venu dans Hiver solidaire, ceux que nous appelons les accueillis. Cette question de l'accueil devrait être au centre de nos sociétés modernes, mouvantes, plurielles.
Accueillir l'autre. L'autre, nous-même, l'autre en nous, l'autre et le même, l'autre qui diffère, l'autre qui interroge, l'autre qui dérange, l'autre qui apaise, l'autre qui console, le proche et le lointain... 
Accueillir, «offrir un visage qui envisage plutôt qu'un visage qui dévisage.»
«Tous les accueillis très accueillants sont là un peu avant 20 heures(...)», écrit Véronique le 8e jour.
Accueillir c'est être présent, venir pour recevoir quelqu'un à son arrivée quelque part. C'est aussi admettre quelqu'un au sein d'un groupe, d'une famille, d'une assemblée. C'est encore avoir telle ou telle attitude quand on reçoit quelqu'un.

Ange tenant un rameau
d'olivier
, Hans Memling
(1435-1494),
Musée du Louvre
«J'ai le réel sentiment paradoxal d'être finalement plus accueilli qu'accueillant tant nos cinq comparses sont gentils, agréables, drôles, aidants, responsables (...)», raconte Henri le 30e jour.

Au sens figuré, cela signifie aussi surprendre, comme on est surpris, emporté par le vent. «Je suis repartie plus légère qu'à l'aller, avec mes casseroles, plus légère surtout par le don reçu de cet accueil extraordinaire.», me dis-je le soir du 9e jour.
Accueillir c'est non seulement recevoir, donner l'hospitalité mais aussi en avoir la capacité, un lieu pour cela. «Telle une nuée de moineaux, sitôt la porte de la chapelle ouverte, nos amis, tous présents, partent dans toutes les directions, chacun exécutant la tâche lui incombant. Point de discours. Tout s'exécute au cordeau. En un tour de main, tout est prêt pour accueillir Laurent qui s'est chargé du dîner.», relate Éric le 40e jour.

Nous, bénévoles d'hiver solidaire, sommes ainsi accueillis par ces hommes dont le miroir social ne reflète plus l'image. Chacun d'entre nous sans doute a médité cette découverte troublante en son for intérieur. 
Damien formule cette réflexion d'une manière simple et bouleversante :
« Je dois avouer que je ne dors pas toujours très bien, je veille, je prie, mes pensées vagabondent dans les voûtes de la chapelle.
Je pense à ce que nous avions découvert, en avançant dans Hiver Solidaire, ce n’était plus nous qui les recevions, mais eux qui finalement nous recevaient chaque soir.
Remarque très profonde de nombreux bénévoles qui dit notre changement de regard sur les personnes sans abri et la conversion de nos cœurs.
Ange gardien,
Antiveduto Grammatica (1571-1626) 
Musée de Brou, Bourg-en-Bresse
Une pensée me traverse l’esprit cette nuit. Ces personnes que nous accueillons ne seraient-elles pas nos anges gardiens?
En nous ramenant à nous même dans une relation simple, vraie, dépouillée, ils nous libèrent de notre encombrant ego.
Ils nous protègent, oui, c’est sûr, ils nous protègent de nos vanités, ils nous débarrassent de nos tracas matérialistes, ils nous purifient l’âme !
Voilà ce que j’ai vu cette nuit en Michel, Alain, Said, Alain, Patrick, nos anges gardiens, cachés derrière ces âmes en peine et ces corps cabossés.
Ils veillent sur nous, sur chacun et sur la belle communauté que nous formons, tous les bénévoles d’Hiver Solidaire.
Continuons à veillez sur eux. »