lundi 17 février 2014

Ouverts de cœur, d'accueil, de regard, de sourire


Henri Cartier-Bresson, rue d'Alésia, Paris, 1961
© Henri Cartier-Bresson/Magnum  Photos

À la manière de cet homme qui traverse la rue sous la pluie d'hiver, le millésime 2014 d'Hiver solidaire est déjà au milieu du gué. 
Christian, Daniel, Pierrot, et Sylvain se muent peu à peu d'accueillis en accueillants.
Les Sens et champ paradigmatique du mot accueil sont doubles, l'accueil que l'on fait, celui que l'on reçoit. Cette distinction correspond à celle de l'emploi actif et de l'emploi passif du verbe accueillir. Au-delà de la grammaire, cette dichotomie s'incarne et se conjugue dans nos émotions, dans notre action.
«Ouverts de cœur, d'accueil, de regard, de sourire et de langage», selon les mots d'Alfred de Vigny(1) , nos invités pour trois lunaisons le sont sans aucun doute et nous, bénévoles d'hiver solidaire, souhaitons l'être tout autant. 
FONDATION ABBÉ PIERRE Campagne BDDP&Fils, Hiver 2013



À l'heure du soixantième anniversaire de l'appel de l'Abbé Pierre, nous mesurons la valeur de cette expérience d'accueil réciproque et l'importance de renouveler chaque jour cette mobilisation, de proposer un nouveau regard et surtout de livrer un témoignage de l'inconditionnalité de cette hospitalité. 
Aujourd'hui, ceux qui n'ont plus que la rue pour asile continuent d'être victimes d'une maltraitance sociale d'une grande violence. 
Ainsi que l'exprime l'écrivain et psychologue Marie Darrieussecq, commentant pour Beaux Arts magazine(2) une affiche de la Fondation Abbé Pierre, « Des images de barbecue, d'anniversaire, de journée à la mer, surimposées à la même personne penchée sur une poubelle ou allongée sur le trottoir. Des photos d'un passé qui est un bonheur banal, celui des passants, le nôtre, nous qui collons l'acronyme "SDF" à cette extrême fatigue de ne plus avoir de toit. Le montage très simple dit l'accident qui coupe la vie en deux, le chômage, le divorce, la ruine, la rue. Par opposition à : avoir une clé dans sa poche, rentrer chez soi, ne plus être exposé aux regards, une douche, un canapé, un moment de farniente, une famille ou un DVD, une cuisine, être au chaud, dormir en sécurité. Cette routine, cet ennui aussi des jours tranquilles. Notre vie la plus quotidienne, qu'aucune "crise" ne doit faire passer pour du luxe, mais pour un besoin élémentaire, un bien-être minimal au XXIe siècle.»
Dans ce temps où nous leur permettons d'accéder à ce "bien-être minimal",  nous avons là, à l'instar du sociologue Marc Hatzfeld(3), l'opportunité de nous interroger : 
« qui donc est cet autre et que me dit-il de moi ? En quoi inversement est-il aussi une part de moi-même et en quoi suis-je un peu de lui ?».


NOTES & LIENS

Titre de la chronique (1) Selon les mots d'Alfred. de Vigny, in Mémoires inédits, 1863, p. 58.
Illustration 1 : L'homme que l'on voit sur cette photo est Alberto Giacomettiprès de son atelier, rue d’Alésia, à Paris.
On peut voir cette photo dans la rétrospective Henri Cartier-Bresson Du 12 février au 9 juin 2014 Centre Pompidou  ici
Illustration 2 : Voir plus de visuels de la campagne de sensibilisation au mal-logement de la Fondation Abbé Pierre ici
(2) Beaux Arts magazine, janvier 2014, p. 10
(3) Marc Hatzfeld est sociologue, ethnologue et chercheur de terrain.
Extraits ci-dessus de « Les dézingués, parcours de SDF », 2006, 176 pages, Éditions Autrement.