dimanche 25 février 2018

Compte-rendu du 52e soir

D'un jour à l'autre, d'un bénévole à l'autre le lien se tisse avec les personnes de la rue accueillies dans le cadre d'Hiver solidaire à Saint-Vincent-de-Paul. Le compte-rendu du matin, comme un passage de relais, témoigne chaque jour de ces moments partagés.

vendredi 23 février, Claire, Éléonore, Julia et Bertrand ont accompagné Alain, Moussa, Soro, Soulymane et Umberto.

«Comment imaginer Alain dormant la veille au milieu des voyageurs affairés de l’aéroport pour se protéger des températures négatives, lorsqu’on participe à cette soirée dans la crypte, soirée particulièrement joyeuse, souriante, légère, digne d’un repas de Noël dans un film de Capra.
À part Soulymane qui garde ses écouteurs en Y pendant tout le repas (mais bon, il faut être tolérant, même avec les générations Y ;-), tout le monde participe aux conversations du dîner avec entrain. Les idées fusent dans la tête d’Alain, il semble heureux de partager ses nombreuses connaissances, d’autant qu’il va passer sa première nuit au chaud depuis bien longtemps, ce qui lui permettra d’avoir «moins d’idées noires». 

Soro, qui s’exprime de manière de plus en plus fluide, rebondit sur les sujet lancés par Alain et fait un peu le traducteur pour Moussa. On parle beaucoup d’Afrique et un peu d’Amérique du Sud : ils nous font un panorama des langues parlées par région et Soro et Moussa tentent d’apprendre à Éleonore quelques mots de Dioula.

Maternité,1921, Pablo Picasso (1881-1973),
huile sur toile, 
Munich, Pinakothek der Moderne, 
Sammlung Moderne Kunst
On évoque également les prénoms donnés en Afrique, beaucoup plus «chrétiens» que les nôtres tels que Dieudonné ou Dieumerci lorsqu’une femme souhaite remercier Dieu pour un enfant qu’elle n’espérait plus. Mais tout le monde n’a pas eu la chance de porter un prénom aussi porteur de sens : Claire nous explique qu’à l’époque de sa grand-mère, les hommes passaient d’abord faire la tournée du village pour fêter la naissance avant de déclarer le prénom en mairie, ce qui entraînait quelques trous de mémoire à l’arrivée... Même s’il en rajoutait probablement un peu, Alain fait bien rire son public lorsqu’il explique que ses camarades de classe avaient comme prénom François Mitterrand ou Charles de Gaulle Etoile.
Moussa a toujours du mal à faire sortir des mots en français mais il répète avec application les mots «violon» et «piano» et son sourire est quoi qu’il en soit très «parlant». Umberto semble également heureux d’être ici.

Les convives ont beaucoup mangé : après avoir dégusté les carottes fraîchement râpées, ils se sont resservi à plusieurs reprises d’assiettes pleines à ras bord de lasagnes au saumon et épinards préparées par Claire. Moussa a même raclé le fond du plat … en vue d’une dégustation matinale au petit déjeuner. Il n’est pas non plus resté une miette du gâteau au yaourt et citron.
Lorsqu’Umberto réalise que le violon que lui a tendu Claire en début de soirée était un cadeau, il nous offre un moment de grâce : il interprète devant nous plusieurs morceaux (Vivaldi et musique cubaine) avec beaucoup de virtuosité (Soulymane a même enlevé ses écouteurs!).

Extinction des feux à 23 h. Les ronflements (dignes de ceux de Moïse il y a 2 ans) s’arrêtent heureusement au bout de 10 minutes.
Tout le monde semble donc avoir passé une bonne nuit, même Julia qui n’est pas tombée de l’estrade où elle dormait. Alain aurait mieux dormi avec un oreiller, il va essayer d’en trouver un.
Le petit déjeuner est détendu et Umberto et Alain partent en repérage de la médiathèque Françoise Sagan car Umberto veut y lire du Balzac.

PS : au moment de fermer la grille à 22 h, un homme s’approche de moi et me demande : «c’est ici la veillée de prière ?». Je m’abstiens de lui répondre «non, dans cette Eglise on ne fait que dormir» mais lui répond qu’il doit s’être trompé. Mais il a du mal à croire que son GPS l’ait conduit au mauvais endroit ! Il me montre donc l’invitation sur son téléphone sur lequel il est indiqué : « Veillée de prière. Paroisse Saint Vincent de Paul. Clichy »…»