mardi 2 avril 2019

Compte-rendu du 86e et dernier soir d'Hiver Solidaire 2019 !

D'un soir à l'autre, d'un bénévole à l'autre un lien se noue avec les personnes de la rue accueillies dans le cadre d'Hiver solidaire à Saint-Vincent-de-Paul. Le compte-rendu du matin, comme un passage de relais, témoigne chaque jour de ces moments partagés.

Lundi 1er avril, Abdelilah, Fofana, Kader, Michel et Ody ont été accueillis par Virginie, Clothilde, Véronique et Emmanuel.

Départ des Apôtres allant prêcher l’Évangile
Charles Gleyre (1806-1874), 
huile sur toile, 197 x 294 cm, Montargis, musée Girodet
Nous étions tous assez émus de partager ces derniers moments avec Michel, Fofana, Ody, Abdellilah et Kader.
Damien et Charles sont venus l’un pour voir Kader, l’autre pour partager un excellent dîner (soupe de légumes, poulet basquaise-riz, mousse au chocolat et gâteau aux pommes, rien que ça!) et rassurer Michel : il l’emmènera demain matin à la gare, direction Toulouse.
L’atmosphère est plutôt joyeuse, tous ont une solution, au moins transitoire, pour les mois qui viennent et cela se voit. Pas trop de crispations, de stress, un élan chaleureux. Cette bonne ambiance permet à Abdellilah de nous dire longuement, avec une certaine véhémence, qu’il a beaucoup aimé faire partie de ce groupe mais qu’il n’a pas aimé le témoignage qu’il a dû faire au moment du concert Gospel. Il s’est senti piégé, un peu idiot, ne sachant pas quoi dire et surtout, stigmatisé comme un pauvre, un sans-abri; le pire étant les photos prises sans son consentement; comme il le dit bien : ‘’si j’ai réussi quelque chose, si je suis un champion, je veux bien qu’on me prenne en photo ; mais je ne connais pas les gens qui ont pris les photos, j’ai honte et je ne veux pas que ma photo(de moi en pauvre) circule sur internet’’. À méditer pour les Hivers Solidaires futurs...
Cela dit, ils se sont exprimés, sauf Michel mais qui écoutait attentivement, sur ce qu’ils ressentent quand ils sont mis en avant, sur les intentions derrière ces demandes de témoignage, sur la confiance qu’ils ont en nous, bénévoles, et qui s’est construite au fil du temps, rien à voir avec les projections que des spectateurs aussi bien intentionnés soient-ils pourraient avoir sur le monde des sans abris.
Et Fofana, toujours aussi fin, a très bien su détendre l’atmosphère, en deux temps ; d’abord en nous disant, un peu solennel, qu’il nous quittait demain pour aller à ... Lille, retrouver un ami qui avait un logement et du travail pour lui ; nous avons tous applaudi, trop heureux. Il a alors ajouté ‘mais il faut regarder la date, aujourd’hui c’est le 1er avril’ et de partir d’un énorme éclat de rire. Franchement, arriver à rire de sa propre situation, avoir cette élégance de nous faire partager ses rêves en les habillant d’humour, chapeau !

Extinction des feux un peu tard, bien qu’il faille se lever tôt demain; Michel part à 7h30.
Nuit ok. Ce matin, Michel est ému et un peu stressé : il n’a plus l’habitude d’avoir autant de bagages (2 sacs), se demande si tout va tenir, s’il va payer un supplément pour ses bagages dans le train... Olivier et Charles sont heureusement là pour l’accompagner.
Après le petit dej, séance rangement-tri. Sabine, Virginie, Damien, Pierre, Claude sont là pour tout remettre en ordre. Je pars à 9 heures bien avant la fin des rangements.
Je suis contente de savoir que la plupart sont encore dans le quartier et que nous pourrons nous revoir.


lundi 1 avril 2019

Compte-rendu du 85e soir d'Hiver Solidaire 2019

D'un soir à l'autre, d'un bénévole à l'autre un lien se noue avec les personnes de la rue accueillies dans le cadre d'Hiver solidaire à Saint-Vincent-de-Paul. Le compte-rendu du matin, comme un passage de relais, témoigne chaque jour de ces moments partagés.

Dimanche 31 mars, Abdelilah, Fofana, Kader, Michel et Ody ont été accueillis par Sarah, Solange, Benoît et père Arnaud.

Le Sang du Rédempteur, Giovanni Bellini (1430-1516), 
détrempe sur bois de peuplier, 47 x 34,3 cm, 
Londres, National Gallery
Avant dernier soir de la fin d’hiver solidaire, nos amis accueillis sont à la fois présents et déjà ailleurs, tristes que tout se termine mais voulant aussi profiter de ces derniers moments ensemble, soulagés par les solutions proposées mais aussi préoccupés.
Rapidement, les discussions et la joie ont pris le dessus. Alors que nous parlions de maroquinerie, Abdel, plein d’humour, nous a confié qu’à son arrivée en France il avait cherché une maroquinerie persuadé trouver des ressortissants. Nous avons tous beaucoup ri, lui le premier. Et, en réfléchissant, nous avons tous convenu d’une étymologie probable du mot, par référence aux tanneries marocaines.
Kader, quant à lui, refuse le décalage horaire, et le trouve absurde. Cohérent, il est d’ailleurs arrivé une heure en retard. Michel a été bouleversé par la messe ce matin. Alors qu’il n’avait plus osé participer à un office depuis très longtemps, l’Évangile du jour était celui du fils prodigue. « Tous les mots m’étaient adressés », nous confie-t-il. « J’avais le sentiment, que le Seigneur me parlait personnellement. » Merveilleuse providence, et douce miséricorde.
Au petit déjeuner, séance de coiffure, Fofana a sorti le matériel et a coupé les cheveux de Michel, très ému à l’évocation de cette journée d’adieu et de remerciement. Tous, nous nous quittons avec un pincement au cœur.

Ce matin, à la fin de la messe, Damien a chaleureusement remercié tous les bénévoles engagés dans l’opération. Un grand merci à nos amis accueillis pour leur amitié et leur confiance, pour avoir été ces enfants privilégiés du Christ à aimer comme des frères. En eux s’est manifestée sa Présence – sa Passion continuée à travers leurs stigmates, mais aussi sa Résurrection à travers les rédemptions dont nous avons pu être les témoins en croyant à l’amour libérant du Christ et en croyant en eux. Chacun, nous pourrions témoigner, si nous avons pris le temps de les écouter et de les aimer, d’avoir été enseignés par nos amis et donc d’en avoir été transformés. Qui peut mieux nous apprendre la justice, la fraternité, l’amour, le partage sinon ceux qui en sont privés ?

Père Arnaud