mardi 3 février 2015

Le pain de vie 1/2

La multiplication des pains,
Tournai, vers 1500, 
détail 

d'une tapisserie : laine,
soie et argent doré,
Musée du Louvre.
«Toute nourriture se reçoit avant de se prendre, elle est un don porteur d'une histoire.»(1)
Vingt-neuf repas, déjà, préparés avec soin par les bénévoles d'Hiver solidaire et partagés avec Alain, Michel, Patrick, Alain et Saïd.
Le velouté de courgette de Sophie, le curry de poulet de Philippine, les crêpes de Sabine. Huitième jour, il reste du riz et du fromage.
«Les évangiles racontent comment Jésus a plusieurs fois multiplié les pains, pour une foule qu'il avait longtemps enseignée, en un lieu à l'écart(...). Le récit johannique (Jn6) raconte que "lorsqu'ils furent rassasiés", les disciples "remplirent douze corbeilles" avec les morceaux qui restaient.»(1)
Le navarin d'agneau de Véronique, la soupe de Butternut d'Angela, la tarte aux poires d'Anaïs. Dixième jour, il reste de la salade de mâche dans le réfrigérateur.
«La multiplication des pains, ce n'est pas seulement la quantité suffisante pour une grande foule, comme l'était la manne au temps des Pères, c'est aussi et surtout un surplus, un excès. 
Dans le récit de Marc (Mc8), Jésus pointe cette profusion des pains, l'excès, que les disciples n'arrivent pas à comprendre. C'est pourtant l'excès qui fait signe, qui est le signe, et qui marque la différence avec la manne.»(1)


Tombe de Nebamon, offrandes
du fils de Nebamon à son père,
Antiquité égyptienne, fresque
XVIIIe dynastie (1550-1292 BC)
British Museum, Londres
La poule au pot façon Gascogne de Lynette et Marta, la panna cotta de Mathilde. Dix-huitième jour, il reste trois plaquettes de beurre.
«Vers quoi fait signe cet excès de pain ? Vers la gratuité du don, sa générosité gracieuse d'abord, bien sûr. Mais aussi vers la qualité du pain offert. Comme Moïse au désert, Jésus explique, interprète ce qu'est le pain multiplié : "le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel, et qui donne vie au monde." Le pain de Dieu est le pain qui donne la vie, et une vie éternelle. La foule entend bien cette parole : "Donne-nous toujours de ce pain-là."»(1)
La matelote de poisson d'Anne-Marie, la mousse au chocolat de Barbara. Vingt-neuvième jour, restent quatre bouteilles de lait.
«Il y a un pain qui, à travers la nourriture quotidienne, délivre du besoin quotidien de nourriture, qui donne une vie qui est plus que la vie biologique, une vie éternelle : tel est le Pain de vie. pour s'en nourrir, il faut le recevoir comme tel, pouvoir le nommer comme Pain de vie, le croire. L'excès de pain fait enfin signe vers celui qui le donne, Jésus, qui s'auto-désigne comme le Pain de vie. 

(...) En demandant dans la prière le pain quotidien, nous désirons entrer dans ce mouvement de la vie qui se donne, mouvement qui trouve son origine en Dieu même, et son achèvement dans le mystère du Christ dont la vie incarnée constitue la vraie nourriture.»(1)


Note
(1) Extraits d'un article de Jean-Marie Carrière, La nourriture dans la Bible, Revue Christus, n°238, avril 2013, p. 199 et suiv.
Jean-Marie Carrière est docteur en théologie de l'Institut catholique de Paris, il enseigne l'exégèse de l'Ancien Testament au Centre Sèvres(Faculté des Jésuites de Paris). Il est spécialiste du Deutéronome.