Cyrille est mort le matin du mardi 14 août, entouré de sa famille.
Ceux qui ont eu le privilège de croiser son chemin garderont dans leur cœur sa présence lumineuse.
Lors de la messe célébrée pour lui à Saint-Eustache lundi 20 août, Damien lui a rendu hommage en ces termes :
Le Christ bénissant, vers 1465, Antonello da Messina (1430-1479), huile sur bois, 29,8 x 38,7 cm, Londres, National Gallery |
« J’ai fait une rencontre qui a bouleversé ma vie de croyant. J’ai rencontré Cyrille et Jean Louis qui venaient de fonder avec Anne, les Compagnons de St Vincent de Paul sur la paroisse du même nom. À la sortie d’une messe, les deux sémillants retraités faisaient un appel pour faire du bénévolat à la carte, un concept directement inspiré par le Christ et par Monsieur Vincent, bien sûr. Je n’ai pas résisté longtemps à leur joyeux charisme et à leurs idées révolutionnaires et je me suis engagé derrière Cyrille pour organiser des dîners avec les personnes de la rue et Les Captifs, puis des tournées rue avec lui et nous avons créé avec quelques autres amis paroissiens, Hiver Solidaire à St Vincent de Paul.
Voir Cyrille se pencher, ou s’accroupir près des personnes assises dans la rue, l’écouter leur parler avec un ton à la fois très direct et tendre, allié à un état général sincèrement joyeux et insouciant, cela était nouveau et bouleversant. Cyrille avait le don de se mettre dans une écoute lumineuse et attentive. Pour plus d’intimité encore, il tournait son visage pour mieux entendre et, la moindre parole sensible le faisait sourire comme s’il connaissait le cœur de la personne assise là, sans rien que son corps et son âme flottant à la dérive. Il connaissait bien toutes ces personnes de notre quartier, chacune par son prénom.
Cyrille nous a fait comprendre que les personnes de la rue nous ramènent à une corporalité qui nous lie à la terre et à la vérité de l’être. Sur Hiver Solidaire, Cyrille a été notre passeur de lumière, en fédérant nos impuissances, nous devenions une grande communauté solidaire, entre les nombreux bénévoles et avec les personnes que nous accueillions chaque hiver depuis sept ans. Nous avions peur de la rencontre avec les personnes de la rue, Cyrille nous a montré comment être juste dans la relation. Il ne jugeait pas. Et toutes les personnes de la rue étaient pour lui des gens bien.
Son attachement farouche à la Liberté l’éclairait à ne pas forcer la volonté des personnes, à ne pas chercher à vouloir vivre ou décider pour eux. Cyrille acceptait avec simplicité et un discernement très fin que les personnes ne soient pas prête à bouger, à s’en sortir. La sage empathie qui l’habitait allait parfois jusqu'à accepter de n’y rien comprendre à une situation mais d’y garder un œil, une écoute, une présence. Il avait un grand respect pour le mystère de chaque personne, de chaque vie humaine, de chaque histoire. Veilleur infatigable, Cyrille était disponible pour la rencontre et la confidence.
Sa disponibilité de cœur, sa tendresse, les personnes de la rue la connaissent, c’était pour eux une fidélité, une amitié, un lien vers l’acceptation de soi au monde.
Cyrille nous a rendu ce monde visible. Il a autorisé l’accès à une vie en partage. Il nous a initié à la rencontre, à l’amitié avec des personnes extraordinaires, d’une humanité troublante, ces personnes ont touché nos cœurs et elles ont réveillé nos esprits.
Cyrille, par tes nombreux engagements sincères et discrets pour l’homme et dernièrement encore à la soupe St Eustache, tu nous a fait sortir de la position de simple spectateur du désastre. Tu as proposé la joie et l’humour comme remède à chacun. Dans cet Esprit fraternel et joyeux, soit bien assuré que nous continuerons à prendre soin de tout ceux que tu aimes. »